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Appel à contribution: Hommage au psychanalyste Richard Abibon, vol. 5

vol. 5 –Hommage au psychanalyste Richard Abibon  - mai 2022

Parler de soi, une voix abibonienne pour retourner au laboratoire des rêves l’inconscient.

Sous la direction de Christine Dornier et Marie-Eve Garand

Vous pouvez télécharger en PDF l’appel à contribution en cliquant ici ou le consulter ci-dessous.

Christine Dormier : Après avoir exercé, pendant près de 15 ans, la profession d’assistante de service social auprès de personnes dites psychotiques, Christine Dornier exerce les fonctions de facilitatrice/concierge de Tiers-lieu ainsi que celle de psychanalyste. C’est en comprenant le langage de ses rêves, "voix" royale vers son inconscient qu’elle s’est trouvé elle-même, à travers des morceaux de son histoire et souvenirs refoulés, souvent en lien avec son origine. C’est la pratique de lecture de ses propres rêves et leur compréhension qui lui permettent d’aider les autres à entendre les leurs. Pour en savoir plus.

Marie-Ève Garand est directrice du CEINR depuis 2005. Elle est théologienne et psychanalyste, professeur associée en formation clinique de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke et professeure invitée à l’Université de Montréal. Elle dispose de plus de 15 ans d’expérience en intervention dans différents milieux communautaires et scolaires. Détentrice d’un doctorat en science des religions et d’une maîtrise sur la question spécifique de l’écoute et de l’intervention auprès des adeptes et des anciens membres de groupes sectaires, les recherches de Mme Garand se concentrent notamment sur la question des liens entre croire, santé, et quête à exister.

Appel à contribution :

Comment trouver les mots pour introduire l’appel à contribution du numéro 5 de la revue Ouvertures qui veut rendre hommage au psychanalyste Richard Abibon (1950-2022) décédé le 23 février 2022 ? Comment trouver les mots justes pour présenter l’idée d’un numéro hommage et prendre le risque de parler de Richard Abibon sans tomber dans le travers de parler de lui sans lui : l’interpréter ou interpréter son propos à sa place ?

Pour notre part, comme co-directrices de ce numéro de la revue Ouvertures, nous avons trouvé la tâche difficile. Après avoir raturé, effacé, tourné et retourné plusieurs phrases et mots dans tous les sens pour trouver comme présenter Richard Abibon, nous avons décidé de prendre au sérieux l’enjeu d’écriture rencontré sur lequel s’ouvrait ce numéro hommage. Pour en arriver à nous dire que Richard était la personne la mieux placée pour parler de son travail lorsqu’il était vivant et qu’il l’est encore depuis sa mort. Pour cette raison, nous avons trouvé important de suivre au plus près le mouvement de transmission de la psychanalyse « soi le parler de soi » initié par Richard Abibon et de le laisser parler de lui par lui. Le texte qui nous apparaissait le plus pertinent est un texte de présentation qu’il a lui-même écrit et qui est disponible dans son intégralité sur le lien suivant : en cliquant ici.

Mais la mort étant ce qu’elle est, soit un arrachement du vivant à sa vie et donc à sa possibilité de parler en son nom propre, au « je », même en choisissant un texte de Richard, nous avons vite constaté le déplacement nécessaire : il fallait adapter son texte. Or, transcrire un discours en « je » pour l’écrire dans un discours qui parle de l’autre, soit dans une écriture au « il », est un déplacement qui ne relève pas que de l’écriture. C’est un acte d’écriture qui dit quelque chose de la place d’une personne qui est passée de vie à trépas. D’ailleurs, le travail de transcription réalisé par son amie et collègue Christine Dornier a occasionné chez elle une grande émotion. La considération de ce ressenti est importante : elle trace le fil rouge sur lequel souhaite se situer la présente invitation à écrire autour de Richard Abibon et de l’impact de son travail dans nos propres parcours de sujet désirant concernés par ses écrits, ses vidéos, ses interventions sur les médias sociaux dans nos propres pratiques d’écoute et d’accompagnement. En effet, comment parler d’une personne au passé et inscrire dans nos discours au présent qui elle aura été et comment elle aura marqué les subjectivités de son temps autrement qu’en questionnant son effet de sujet ?

Voici donc la transcription du texte réalisée par Christine Dornier que nous proposons toutes les deux à votre relecture :

Pour Richard Abibon (1950-2022), qui vient de nous quitter, la psychanalyse aura été l’affaire d’une vie : sa pratique clinique innovante dans le traitement de l’autisme, ses dialogues constants avec les écoles de psychanalyse, ses colloques en Chine, au Brésil, au Liban et en Algérie, ses nombreux ouvrages, vidéos et récits de rêves demeurent des références majeures et des sources d’inspiration importantes pour ceux qui poursuivent la tâche de faire en sorte que la psychanalyse rejoigne la subjectivité de son temps.

Richard a indiqué, au fil de son travail, son respect pour Freud, sans qui la discipline de psychanalyse n’existerait pas. Pour lui, Freud s’est voulu scientifique et c’est dans cet esprit que Richard ne s’est pas privé de critiquer certains aspects de la pensée du fondateur de la psychanalyse, tout en remettant au goût du jour d’autres aspects bien oubliés aujourd’hui. Notamment ceci, que Freud écrit dans sa « Science des rêves » : « ce qui différencie la psychanalyse de tout autre moyen d’interprétation des rêves, c’est qu’on confie l’interprétation au rêveur lui-même ». Cette méthode, Freud l’a appliquée sur lui-même dans ce livre ainsi que dans bien d’autres passages de son œuvre. Il analyse ses propres rêves, actes manqués, oublis, lapsus. Mais, en bien d’autres endroits, il semble oublier complètement cette maxime en interprétant les rêves des autres, y compris dans « La Science des rêves ».

Alors l’analyste ne sert à rien ? Si, il sert à poser les bonnes questions au bon moment. Il n’est pas muet comme une tombe, ainsi qu’il se pratique le plus fréquemment. Il accompagne la recherche de l’analysant sans la précéder.

Lorsqu’un analysant demandait à Richard l’interprétation de son rêve, il répondait toujours : « mais c’est vous qui avez vécu votre vie. Vous avez donc en mémoire tous les éléments nécessaires à l’interprétation de votre rêve. Ces éléments, moi, je ne les ai pas, car je n’ai pas vécu votre vie, j’ai vécu la mienne. Il est possible que certains éléments de votre mémoire soient devenus inconscients, du fait de leur aspect désagréable. On préfère toujours ne pas savoir ce qui est de l’ordre du désagréable. Justement, votre rêve vous donne un chemin d’accès à ces souvenirs. Laissez-vous aller à l’association libre, et vous remonterez le fil de votre mémoire cachée ». L’association libre, c’est le nom de la règle fondamentale : « dites tout ce qui vous passe par la tête, sans vous soucier, ni de logique, ni de chronologie, ni de décence ».

Cette présentation succincte de la trajectoire de vie et de transmission de la psychanalyse empruntée par Richard Abibon, autant que la prise au sérieux de la difficulté qu’a représenté pour Christine Dornier cette transcription, permet de donner le ton à ce numéro 5 de la revue Ouvertures ainsi qu’à l’éthique qui guidera la réception des articles et le travail de relecture de chacun d’eux jusqu’à leur publication à des fins éditoriales.

D’une part, cette présentation permet d’illustrer comment les chemins empruntés par Richard Abibon l’ont conduit à penser que comprendre ses rêves permettait à celui qui écoute d’aider les autres à entendre les leurs. Il faut dire que, chez Richard, c’était du vécu. Par l’analyse de ses rêves, voie royale de l’accès à l’inconscient, Richard s’est trouvé lui-même. En retrouvant les éléments que sa mémoire avait oubliés, dont la plupart sont en rapport avec son origine (conception, gestion, naissance, petite enfance), Richard a trouvé une nouvelle assise dans sa vie : une confiance en lui dont il était auparavant bien en défaut. C’est donc en partant du chemin de son expérience que Richard allait à la rencontre d’un analysant, un à la fois. Il apportait à chacun de ses analysants une aide qui consistait à baliser son propre chemin vers la rencontre de soi-même. Sur cette trajectoire, la psychanalyse n’apparait pas comme une psychothérapie, mais comme un travail de rencontre et d’accueil de sa mémoire qui peut conduire à un véritable travail d’accouchement de soi. Comme en témoignent de nombreuses personnes ayant parcouru ce chemin, il se trouve qu’il arrive, de surcroit, que ce travail apporte un soulagement, voire une disparition de symptômes.

D’autre part, cette présentation permet aussi de donner le ton à ce numéro 5 de la Revue Ouvertures. D’abord, Richard Abibon était un collaborateur de la revue, à la fois comme auteur (vol1) et comme relecteur. Choisir de consacrer un numéro thématique à la mémoire d’une personne décédée récemment, et dont le travail aura marqué la subjectivité de son temps, n’est pas un choix éditorial sans écueils possibles. Par exemple, l’exercice de l’hommage est périlleux, et l’admiration que nous avons pour Richard pourrait nous conduire à une dévotion sans critique, sans saveur, sans éclat, sans distance.

Comme lui le faisait de son vivant, il importe donc de conserver un esprit critique, pour que chacun puisse répondre de sa parole de sujet en retournant vérifier dans son inconscient la véracité de l’écrit qu’il soutient et énonce. L’autre écueil qui pourrait guetter un tel numéro serait la tentative d’interpréter Richard, ses rêves, ses travaux, en vue de constituer un enseignement ou une école homogène. La parole de Richard reste à Richard et nous voici tous invités à faire entendre la nôtre.

Pour cette raison, ce numéro de la revue Ouvertures propose de donner la parole à des sujets qui parlent de ce que la rencontre avec Richard ou son travail a mis au travail chez lui. Et chez personne d’autre. Plus spécifiquement, il s’agit d’explorer comment le lien d’amitié, de travail, de lecture, d’analyse, le lien en virtuel, en présentiel, en écrit ou en vidéo a permis de se mettre au travail dans son propre champ et selon sa propre perspective désirante. De plus, mais de manière non exclusive, les auteurs sont fortement invités à utiliser le format d’écriture en « parler de soi ». Une écriture au « Je » permet à chacun de produire du sujet et pas n’importe quel sujet : le sien propre. Il rend aussi accessible à d’autres sujets le matériel ainsi récolté, mis au profit de la recherche dans le laboratoire de l’inconscient, en vue de pouvoir ensemble s’accorder sur un bout de théorie. Surtout, cette voix permet d’inscrire le discours dans un registre de respect, et sa réception dans la grande force de l’attention bienveillante propre à la psychanalyse.

Quelques axes spécifiques, mais non exclusifs :

• Travail du rêve et son analyse

• Mots étiquettes de la psychiatrie et leurs effets pour les personnes

• Psychanalyse – transfert – secte

• Parler de Soi, se réapproprier une énonciation au jeu du je.

• La question de l’espace-temps, le sens à la fois dans l’inconscient et dans la réalité de vie de veille

• Le doute : mais au final qui pense ? moi ou mon créateur (père/mère/professeur…) Quel est le lien créateur/créature

• Le sentiment qui meut le Sujet, comme ce qui découpe dans la masse perceptive du Sujet pour en dégager une représentation

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